Nous nous tournons vers toi, Seigneur, notre Dieu. Nous savons qu’après l’agonie de ton Fils Jésus Christ et sa mort sur la croix, Tu l’as ressuscité d’entre les morts. Accueille notre frère Rolland, prêtre, et fais-nous redécouvrir que le chemin du calvaire conduit tous ceux qui le gravissent jusqu’au soleil du matin de Pâques. Par Jésus Christ, ton Fils Ressuscité, qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen

Monsieur Rolland Litalien, PSS, 26 janvier 1933 - 22 juin 2023

Monsieur Rolland Litalien, PSS

Naissance : le 26 janvier 1933 à Montréal
Ordination : le 11 mai 1963
Incardination : Diocèse de Montréal
Admission dans la Compagnie : 1991

Il a fallu la mort pour que Rolland, notre ami prêtre, ne souffre plus. Nous nous tournons vers toi, Seigneur notre Dieu. Nous savons qu’après l’agonie de ton Fils Jésus Christ et sa mort sur la croix, Tu l’as ressuscité d’entre les morts. Fais-nous redécouvrir, en suivant ses pas, que le chemin du calvaire conduit tous ceux et celles qui le gravissent jusqu’au soleil du matin de Pâques. Par Jésus le Christ, Prêtre souverain et éternel, qui vit et règne pour les siècles des siècles. Amen.

Les confrères de la Province canadienne de Saint-Sulpice s’associent aux membres de la famille, aux proches et amis de M. Litalien, et à ses confrères du Séminaire de SaintSulpice, afin de partager, dans la prière, la communion sacramentelle qui nous unit aux mystères de la mort et de la résurrection du Christ, renouvelés dans la célébration de l’Eucharistie.

Les funérailles de M. Litalien se sont bien déroulées. D’abord, l’Eucharistie concélébrée avec les sulpiciens à la chapelle de la communauté du Séminaire de Saint-Sulpice, présidée par le Supérieur provincial, M. Jorge Pacheco, PSS, le vendredi 14 juillet.

La célébration solennelle des funérailles, à la chapelle du Domaine de Fort de la Montagne, a été présidée par Mgr. Emilius Goulet, PSS. Les concélébrant principaux étaient : Mgr. Lionel Gendron, PSS, et M. Jorge Pacheco, PSS. Dix autres prêtres ont participé à la concélébration, dont 6 sulpiciens. Plus de 70 personnes (membres de sa famille, amis et collègues) étaient également présentes.

Ci-après, vous trouvez l’homélie préparée et prononcée par Mgr. Emilius Goulet, PSS, archevêque émérite de Saint-Boniface. Nous lui exprimons nos remerciements pour ce fraternel service épiscopal.

« La vie des justes est dans la main de Dieu. »

Sg 2,23 ; 3, 1-6.9.
Ps 22 (23)
Rm 14, 7-9. 10b-12
Mt 11, 25-30

Frères et Sœurs dans le Christ,
Au terme d’une longue maladie évolutive, notre confrère Rolland a été rappelé à Dieu. Les sciences humaines, la médecine et la psychologie, expriment en termes précis les étapes et les conditions par lesquelles il est passé tout au long de son existence. Certes, nous adhérons avec raison à leur diagnostic, car leurs examens cliniques sont basés sur des symptômes réels et vérifiables. En revanche, bien d’autres aspects dans la longévité de notre confrère, qui sont plus difficiles à mesurer et invérifiables par les sciences humaines, nous posent des questions sérieuses. Pourquoi vivre si longtemps dans une condition sans cesse dégradante? Pourquoi les maladies, les souffrances, les échecs, les accidents? En somme, pourquoi la mort et tout ce qui y conduit?…

Nous nourrissons une crainte instinctive et une sourde révolte contre la mort. Souvent, c’est vers Dieu que nous tendons un doigt accusateur. « Si Dieu était tout amour, comme on le raconte, la mort n’existerait pas »… Ou peut-être nous accusons-nous nous-mêmes : « Qu’ai-je donc fait à Dieu pour mériter une telle disgrâce? »…

C’est notre foi qui nous ouvre à l’espérance de la vie nouvelle qui nous attend. Dieu ne nous a pas voués à la mort définitive, mais à une existence impérissable; certes, par notre corps nous appartenons au monde matériel fini, soumis à la loi de la dégradation; mais selon le dessein de Dieu, notre finitude n’est qu’une pâque, c’est-à-dire un passage pour parvenir à la vie en plénitude. En effet, Dieu, notre Père, dans son amour infini, ne nous a pas abandonnés à une triste condition humaine. En son Fils Jésus Christ, il s’est fait homme; ainsi l’Infini est entré dans notre finitude; il a partagé notre condition humaine jusque dans la mort, afin de nous introduire dans sa vie divine. Par le baptême, nous sommes devenus ses enfants. Nous avons donc part à son héritage éternel.

« La vie des justes est dans la main de Dieu ».

La mort semble brisure, échec radical, anéantissent. Le sentiment de finitude ressenti en profondeur, la part de doute- voire d’incroyanceen nous, pose la terrible interrogation : « Après la mort, serons-nous comme si nous n’avions jamais existé? » Voilà ce que craint, à ras de terre, tout un chacun dans sa fragilité humaine.

Mais le Dieu vivant fait voir la réalité de plus haut aux croyants. Par la foi, nous connaissons quelque chose des « secrets de Dieu ». Au long des siècles de l’histoire du salut, Dieu s’est révélé comme le créateur, le grand Vivant. « Celui qui est », celui qui est l’existence même, a fait l’homme pour la vie ; il le fait « exister ». En son temps, Jésus « manifestera », par sa propre résurrection des morts, l’immortalité promise. Non, la mort ne détruit pas tout, Dieu a bel et bien créé l’être humain pour une existence impérissable. Lui, l’Éternel, il l’a fait à son image, il l’a fait pour l’immortalité ; il le fera passer du temps à son éternité. Dieu a appelé l’être humain à la vie pour toujours, et non à une mort totale qui serait la négation même de son œuvre. Le Dieu vivant ne peut pas détruire sa création. Certes, créature corporelle et mortelle, l’être humain tiré de la poussière du sol, « adamah » doit mourir; mais le Créateur bénit cette mort corporelle qui libère, comme en faisant éclater l’enveloppe de la graine. Alors, voilà le beau mot d’immortalité que l’Écriture emploie pour la première fois, au seuil de la révélation évangélique!

Quelle belle expression : « Les justes sont dans la main de Dieu », dès cette vie et dans l’autre! Jésus confirmera cette assurance de protection divine : « Mes brebis ne périront pas et personne ne pourra les arracher de ma main » (Jn 10,28). Dieu tient en son pouvoir l’âme de tout vivant et le souffle de toute chair humaine. Il fait vivre les morts!

La mémoire de notre confrère Rolland a été peu à peu balayée dans l’oubli au cours des diverses étapes de sa maladie. En revanche, les traits saillants de sa personnalité sont bien demeurés en surface. Notre confrère était un homme foncièrement bon et juste, boute-entrain et semeur de joie, ami de tous. Il a fait l’admiration des personnes qui ont pris soin de lui; il leur obéissait avec respect et douceur. « Vous êtes la meilleure », répétait-il avec humour! Sa vie d’épreuve a eu une sens pour les personnes qui l’ont entouré, comme elle a aujourd’hui une sens pour nous tous, car nous comprenons que le creuset de la souffrance l’a purifié.

Notre lecture nous livre l’image du « creuset ». Comment obtenir autrement que par l’épreuve du feu un or pur, libéré de la gangue? Image familière au païen Ovide : « Comme l’or à la couleur jaune est éprouvé aux flammes, ainsi la fidélité doit être démontrée par l’adversité ». Sénèque disait : « Le feu éprouve l’or, le malheur éprouve les hommes courageux ».

Dieu agrée les justes qui font de leur vie un sacrifice, un holocauste qui se consume pour sa gloire jusqu’à l’acte ultime de la mort. Les souffrances de la vie s’en trouvent éclairées. Il est beau de faire de sa mort une offrande libre, un sacrifice.

« Si nous vivons, si nous mourons, c’est pour le Seigneur ».

Voilà un message vivant et vital! Une vie s’est déroulée et est effectivement arrêtée par la mort. La mort fait disparaître à nos regards une personne vivante partie vers le Seigneur des morts et des vivants. Vivre, mourir, survivre. Cette vie et cette mort ont un sens. Nous devons les accueillir ; ainsi nous devons nous donner des raisons de vivre et de mourir, nous chrétiens qui adhérons au Seigneur ressuscité. Il ne s’agit pas simplement de « réussir dans la vie », mais de « réussir sa vie ». Les chrétiens ne peuvent gâcher leur vie dans l’insignifiance.

Chacun est appelé à vivre sa propre vie, car nul ne vit par procuration. L’existence qui m’est donnée, il me revient de l’assumer, de la déployer selon la parabole des talents, en donnant ma propre mesure. Bien plus, baptisé, je ne puis la vivre dans l’égoïsme. Ni la vie ni la mort ne m’appartiennent. Je ne suis pas libre de disposer de moimême, sans plus, pour le déroulement des jours et, à plus forte raison, pour décider de ma mort, quoi qu’en disent les lois humaines établies de nos jours. Par la grâce du baptême, « nous appartenons au Seigneur ». Saint Paul le disait bien : « Je vis, mais ce n’est plus moi qui vis, c’est le Christ qui vit en moi » (Ga 2,20).

La Parole de Dieu nous rappelle que le Christ Jésus, homme comme nous, a vécu sur terre sa vie et sa propre mort. Sa résurrection d’entre les morts l’a manifesté et l’a fait Seigneur des morts et des vivants. Saint Paul le précisait : « Il est mort pour tous afin que les vivants ne vivent plus pour eux-mêmes mais pour lui qui est mort et ressuscité pour eux » (2 Co 5,15).

Aux Sadducéens qui l’avaient entrepris au sujet d’une douteuse résurrection, Jésus disait : « Que les morts doivent ressusciter, Moise luimême l’a indiqué dans le récit du buisson ardent, quand il appelle le Seigneur le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac et le Dieu de Jacob. Dieu n’est pas le Dieu des morts mais le Dieu des vivants car tous sont vivants en lui » (Lc 20, 38).

Naître et mourir … Pour tous, entre ces deux réalités fondamentales et extrêmes, le déroulement d’une existence personnelle doit être assumé en communion avec Dieu et, par lui, avec les frères et sœurs. C’est le Seigneur du monde qui habite ce monde et donne sens à toutes réalités orientées vers l’éternité.

Notre confrère Rolland était un homme de réflexion et de foi. En effet, il avait compris que la vie est le premier don reçu de Dieu. Ainsi, il ne s’est pas orienté vers le sacerdoce ministériel à la hâte. Minutieux et analytique, il a bien pesé toutes les décisions à prendre, avant de s’engager d’une façon définitive. Après ses études en théologie, il a pris quelques années de recul en s’adonnant à l’enseignement auprès des jeunes collégiens. Il fut ordonné prêtre le 11 mai 1963 des mains du regretté Cardinal Paul-Émile Léger pour le service du diocèse de Montréal.

« Père, ce que tu as caché aux sages et aux savants, tu l’as révélé aux tout-petits. »

Jésus a envoyé ses disciples enseigner l’Évangile; mais il précise que cette Bonne Nouvelle qui doit être annoncée aux « pauvres ». Le règne de Dieu bouscule l’ordre établi ; en effet, il est réservé à ceux qui ont le cœur ouvert à Dieu; mais il reste inaccessible à la science des sages et des savants. Les premiers, les pauvres et les petits, sont les vrais sages, car ils accueillent le message de Jésus comme une révélation donnée par le Père, tandis que les derniers, l’élite religieuse suivant une discipline tyrannique, n’attirent pas l’attention de Jésus, car au fond ils sont tournés vers eux-mêmes et sont incapables de se faire « petits », pour accueillir Jésus, révélateur du Père.

Seuls les pauvres de cœur peuvent comprendre le don du Père se faisant connaitre aux êtres humains, dans la personne de son Fils Jésus. Cette découverte devient source de paix et de joie, au milieu des difficultés de la vie. Le même message, qui peut sembler exigence intolérable aux uns, est douceur pour les autres. Le seul souci de Jésus est de donner le repos et consoler ceux qui peinent sous le poids du fardeau.

Notre confrère Rolland était petit de taille. Pourtant sa constitution physique ne l’empêchait pas de mettre en valeur toutes ses ressources humaines. Avec humour, il disait qu’il provenait d’une lignée de « rough and tough ». Quoi qu’il en soit, il vénérait ses origines du terroir; il possédait un goût particulier pour la nature. Grâce à son travail besogneux, les plantes et les fleurs ne manquaient jamais d’eau et le jardin était vite libéré de toute branche sèche.

En revanche, Rolland s’est fait « petit », doux et simple dans sa vie et son ministère de prêtre; en effet, il s’est mis au service de l’Église dans les tâches modestes; mais son goût de la recherche et son travail ardu l’ont conduit à réaliser des publications importantes sur l’histoire de l’Église au Québec. Il suffit de mentionner ses écrits sur Mgr Louis-Zéphirin Moreau, qui ont contribué au processus de béatification de ce pasteur dévoué, prudent et compatissant de l’Église de Saint-Hyacinthe. Ainsi ses qualités humaines et spirituelles ont incité les Prêtres de Saint-Sulpice à l’inviter à joindre les rangs de la « Petite Compagnie », à laquelle il fut intégré en 1991.

Nous rendons grâce au Seigneur pour la vie et le ministère presbytéral de notre confrère Rolland. Nous sommes conscients qu’il a souffert d’incompréhension et d’isolement au début de sa maladie. En effet, certains comportements ou propos surprenaient ses confrères; aussi ont-ils contribuée à le marginaliser quelque peu de la vie communautaire. Cependant, peu à peu une compréhension plus complète de son état a contribué à lui rendre la sympathie et l’amour fraternel qui lui étaient dus. Que le bienheureux Louis-Zéphirin Moreau, les saints et les anges l’accueillent dans le Paradis.!

Dans l’Eucharistie, qui est notre viatique, c’est-à-dire notre nourriture et notre boisson, indispensables sur notre route ici-bas, nous prions pour que les étapes de notre existence deviennent autant d’étapes de notre connaissance et de notre amour du Père, jusqu’au jour où il nous sera donné, comme à Rolland maintenant, de vivre pour toujours avec lui. Amen!

+Émilius Goulet, PSS
Archevêque émérite de Saint-Boniface